Les clés pour comprendre ce qu’est un vin naturel

5 mai 2025

Le vin naturel : pas un label officiel, mais une philosophie

Avant toute chose, il est important de noter que le vin naturel n'est pas un label réglementé au niveau international. Contrairement aux vins issus de l'agriculture biologique ou biodynamique, reconnus par des certifications officielles comme le label AB ou Demeter, le vin naturel échappe (pour l'instant) à cette logique administrative. Pourtant, une charte existe : elle est portée notamment en France par l’Association des vins naturels (AVN), créée en 2016.

Cette charte défend une ligne directrice claire : des vins produits à partir de raisins issus de l'agriculture biologique (avec, dans l’idéal, une certification), vendangés à la main et vinifiés avec un minimum d'interventions. Mais allons plus loin dans le décryptage de ces critères.

Des vignes respectueuses du vivant

Le vin naturel commence évidemment dans la vigne. Ici, pas de produits de synthèse, pas de désherbants ni de pesticides conventionnels. L’agriculture biologique ou biodynamique est une base incontournable. Cela implique :

  • Le travail du sol : herbe laissée entre les rangs lorsqu’elle est bénéfique, usage du cheval de trait dans certaines exploitations (un clin d’œil aux pratiques ancestrales).
  • Une biodiversité protégée : haies, arbres, insectes... Des vignerons comme ceux que nous rencontrons à Bordeaux prennent soin d’un écosystème bien au-delà de la simple vigne.
  • L'absence de traitements conventionnels : seuls les traitements autorisés dans l’agriculture biologique, comme le soufre et la bouillie bordelaise, sont éventuellement utilisés, mais souvent en quantité infime.

Derrière ces pratiques, c'est une philosophie qui domine : préserver le sol et le laisser s’exprimer pleinement. En Dordogne, par exemple, un vigneron nous a confié qu'il "fait confiance aux équilibres naturels plutôt qu'aux agendas chimiques". Une phrase qui résonne fort.

Une vinification sans artifice

L’autre grande spécificité des vins naturels réside dans leur mode de vinification. Mylène le rappelle souvent : "C'est dans le chai que ces vins se différencient vraiment des autres." Deux mots d'ordre règnent ici : honnêteté et non-intervention.

Pas de levures industrielles

Les vins naturels fermentent uniquement grâce aux levures indigènes présentes naturellement sur les raisins et dans l’environnement du chai. Ces levures, bien loin des souches standardisées utilisées dans les vinifications conventionnelles, donnent des profils aromatiques uniques, intimement liés au terroir et à l'année.

Peu ou pas de sulfites ajoutés

Le sujet des sulfites est souvent au cœur des discussions autour du vin naturel. Si leur utilisation est autorisée, elle est strictement limitée. En pratique, beaucoup de vignerons naturels choisissent de ne pas en ajouter du tout, ce qui donne des vins parfois plus fragiles mais aussi plus vivants, plus vibrants. Saviez-vous que les vins conventionnels peuvent contenir jusqu’à 200 mg/L de SO2 total, alors que de nombreux vins naturels contiennent moins de 30 mg/L — voire aucun ?

Pas de correction chimique

Dans les chais industriels, il est courant d’ajuster le sucre, l’acidité ou même le tannin pour "modeler" un vin à la recherche d’un goût uniforme. Les vignerons de naturel rejettent cela en bloc. Le vin est l'expression sincère de son millésime, avec ses forces et ses failles éventuelles.

Des pratiques encore controversées

Malgré tout, le vin naturel divise encore. Pourquoi ? Certains critiquent son absence de cadre légal, d’autres jugent qu’il peut manquer de constance (les fameux "déviances" aromatiques). Pourtant, ces critiques omettent souvent l’essentiel : le vin naturel n’a jamais prétendu à une perfection clinique. Et s’il dessine parfois des arômes non conventionnels, c’est bien parce qu’il ose sortir des sentiers battus.

Ce qu’on aime - et qu’Antonin décrirait comme une forme de poésie du brut - c’est cette capacité du vin naturel à nous surprendre, à raconter une histoire différente à chaque gorgée, sans masque ni filtre.

Une vraie dynamique en France (et ailleurs)

En France, pays historiquement associé au vin naturel, cette dynamique continue de séduire. Des régions comme la Loire, le Beaujolais et même le Bordelais s’ouvrent désormais à cette approche. La fête annuelle des Vins Naturels ou les salons indépendants renforcent la visibilité de ce mouvement. D’après une étude menée en 2021 par l'agence NielsenIQ, les ventes de vins sans sulfites ou dits nature ont augmenté de 15 % sur l’année précédente. C’est bien la preuve qu’un nouveau public s’intéresse à cette niche qui n’en est plus vraiment une.

Au-delà de nos frontières, notamment au Japon, en Italie ou aux États-Unis, le vin naturel a aussi trouvé des ambassadeurs de renom et des amateurs passionnés. L’époque où ces vins étaient considérés comme anecdotiques ou « réservés à une élite urbaine » semble bel et bien révolue.

Vins naturels : entre militantisme et plaisir

Pour nous, à La Roseraie, les critères pour qu’un vin soit considéré comme naturel dépassent la technique. C’est une question d’intention, presque de militantisme. C’est aussi un choix pour le vivant, pour le goût, mais surtout pour la liberté : celle du vigneron et, au bout du compte, celle de celles et ceux qui boivent ses vins. Parce que goûter un vin naturel, c’est accepter de sortir des lignes tracées, pour explorer autre chose.

Alors, la prochaine fois que vous débouchez une cuvée sans artifices, peut-être sentirez-vous le souffle d’un terroir qui cherche sa vérité. Et c’est là que commence la vraie magie du vin naturel.

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